Jules Vallès : portraits

Jules Vallès (1832-1885) a grandi dans une famille marquée par le déracinement social et les difficultés économiques. Fils de paysans pauvre de la Haute-Loire, son père, devenu professeur, s’élève peu à peu dans la hiérarchie universitaire ; sa mère, elle aussi venue de la campagne, aspire passionnément à s’intégrer dans des milieux bourgeois auxquels elle reste désespérément inadaptée. Le petit Jules est prisonnier d’une éducation familiale tout entière fondée sur l’autorité, et redoublée par les servitudes du collège.

Engagé volontaire dans la presse du second Empire, Vallès choisit résolument le journal contre la monumentalité du Livre ; il s’impose comme un écrivain journaliste de premier plan : chroniqueur, il affirme un tempérament original de franc-parleur, « irrégulier » et volontiers réfractaire ; critique littéraire, il défend passionnément une écriture fondée sur l’authenticité et la fidélité au réel ; inventeur du reportage social, il inaugure un journalisme démocratique – « Je suis du peuple, et ma chronique aussi », affirme-t-il. Les premiers livres de Vallès sont des recueils d’articles, aux intitulés révélateurs : Les Réfractaires, La Rue. Écrivain de conviction et de combat, Vallès est très souvent victime de la censure vigilante de Napoléon III.

Condamné à mort par contumace pour sa participation à la Commune de Paris, Vallès réussit à gagner Londres où il passe dix ans en exil. C’est là qu’il prépare la future trilogie – L’Enfant, Le Bachelier, L’Insurgé –, ensemble romanesque conçu comme un compromis entre l’autobiographie et les Mémoires d’une génération. Les deux premières œuvres, parues en feuilleton, déclenchent des réactions scandalisées des abonnés, défenseurs du « fouet de famille » et de l’enseignement classique : avant Jules Renard, qu’on appellera « Poil de Vallès », avant le George Darien de Bas les cœurs, Vallès attaque, avec le « poignard de l’ironie », les mythologies doucereuses de l’enfance et les convictions bien-pensantes de l’éducation bourgeoise.

De retour à Paris avec l’amnistie, Vallès profite, pour la première fois, de la pleine liberté d’expression qu’autorise la loi sur la presse de 1881. Il lance Le Cri du peuple, et orchestre de vastes campagnes dans différents journaux, militant avec passion et panache contre un « monde mal fait » qui écrase les faibles, les pauvres, les vaincus, les exclus. Vallès reprend notamment le programme annoncé par Jacques Vingtras : « Je défendrai les DROITS DE L’ENFANT ».

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