Journal Officiel de la République Française. Séance du 24 avril 1871.
[…]
Le citoyen Rigault. Hier, en mon absence vous avez déclaré que tous les membres de la Commune auraient le droit de visiter tous les détenus. D’accord en cela avec le comité de contrôle que vous m’avez adjoint, je demande à ce que vous reveniez sur le vote d’hier, au moins en ce qui concerne les individus au secret. Si vous maintenez votre vote, je serai donc forcé de donné ma démission, et je ne pense pas qu’un autre puisse, dans une pareille situation, accepter une pareille responsabilité.
— Le citoyen Arthur Arnould. Des paroles du citoyen Rigault, il ressort que le secret a été maintenu. Je proteste énergiquement. Le secret est quelque chose d’immoral. C’est la torture morale substituée à la torture physique. Eh bien, au nom de notre honneur, il faut décider immédiatement qu’en aucun cas le secret ne sera maintenu. Même du point de vue de la sureté, le secret est inutile. On trouve toujours moyen de communiquer. Nous avons tous été mis au secret sous l’Empire, et pourtant nous sommes parvenus, non-seulement à communiquer avec le dehors, mais nous avons fait insérer des articles dans les journaux même. Il y a là une question de moralité: je le répête, nous ne pouvons ni ne devons maintenir le secret non-seulemnt le secret, mais l’instruction doit être publique. J’insiste à ce sujet, et j’en fais l’objet d’une proposition formelle. Je ne comprends pas des hommes qui ont passé toute leur vie à combattre les errements du despotisme, je ne comprends pas, dis-je, ces mêmes hommes, quand ils sont au pouvoir, s’empressant de tomber dans les mêmes fautes. De deux choses l’une: ou le secret est une chose indispensable et bonne, ou elle est odieuse. Si elle est bonne, il ne fallait pas la combattre, et si elle est odieuse et immorale, nous ne devons pas la maintenir.
— Le citoyen Rigault. Je répondrai au citoyen Arnould que la guerre aussi est immorale, et cependant nous nous battons.
— Le citoyen A. Arnould. Ce n’est pas la même chose, nous la subissons.
— Le citoyen Rigault déclare que si quelqu’un croit qu’une instruction puisse se faire sans le secret, il est tout disposé à lui céder la place, car pour lui, il reconnaît l’impossibilité de procéder pour l’instant autrement qu’on le fait.[…]
Le citoyen Rigault donne sa démission de délégué à la sureté générale; le citoyen Ferré, celle de membre de cette commission. […]
(On décide que la majorité absolue sera nécessaire pour le remplacement du citoyen Rigault, on passe au vote.)
Sur 55 votants, le citoyen Cournet ayant réunis 35 voix, est nommé en remplacement du citoyen Rigault.
[…]